#fakeimages – Démasquer les dangers des stéréotypes

Des milliers de messages et d’images nous parviennent chaque jour. Ils nous inondent par divers canaux, comme les médias sociaux, la télévision ou la presse écrite. Mais disent-ils toujours la vérité ? De fausses nouvelles et de fausses images s’y faufilent : certaines innocentes, mais d’autres très dangereuses. Surtout parce que nous y sommes très sensibles.

Les idées stéréotypées et les théories de conspiration contre les Juifs, les Roms, les migrants, les LGBTQIA+ ou d’autres groupes empoisonnent la société. Ces mécanismes ne sont pas nouveaux. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la propagande antisémite a fait un habile usage des stéréotypes et de la pensée conspirationniste. Cette propagande a contribué à ce génocide d’une ampleur sans précédent. L’exposition #FakeImages montre comment ce type d’images est fabriqué.

Arthur Langerman, un survivant belge de la Shoah, collectionne des dessins, des affiches et des objets antisémites depuis plus de 50 ans. Sa collection est le résultat direct de l’horreur de l’extermination des Juifs et constitue la base de la partie historique de cette exposition. #FakeImages montre des images antisémites à travers les siècles, avec un accent particulier sur la propagande avant et pendant la Seconde Guerre mondiale.

Mais #FakeImages fait plus que cela. L’exposition dévoile également les mécanismes qui ont un impact majeur sur nos idées et notre société contemporaine. Découvrez en quatre volets interactifs comment analyser des exemples contemporains pour déceler des mécanismes intemporels qui se cachent derrière les stéréotypes, les préjugés, le racisme, la tromperie et l’humour. 

La collection langerman

La famille Langerman est arrêtée à Anvers par l’occupant allemand fin mars 1944. Ses parents, Zysla Blajwas et Salomon Langerman sont internés à la caserne Dossin. Leur fils, Arthur n’a pas deux ans quand il est placé à la Pouponnière d’Uccle, un home de l’Association des Juifs en Belgique, contrôlé par les nazis.

Ses parents sont déportés à Auschwitz-Birkenau par le Transport XXV, le 19 mai 1944. Son père meurt en février 1945, probablement pendant la marche de la mort de Flossenbürg à Plattling. Sa mère est transférée en août 1944 d’Auschwitz au camp de concentration de Ra­vensbrück. Rapatriée en Belgique, elle retrouve son fils. Traumatisée, elle se replie dans le silence, le secret et la douleur, une situation qui marque Arthur à jamais.

Avec le procès Eichmann en 1961, Arthur Langerman prend conscience de la singularité du mal radical dont sa famille et les Juifs d’Europe furent victimes. Il commence sa collection, s’acharnant à rassembler les preuves de cet antisémitisme européen, essentiellement depuis la fin du 19e siècle, mais aussi des pièces beaucoup plus anciennes.

“Je voulais comprendre ce que les Juifs avaient fait de si mal pour être traités si cruellement. Je voulais comprendre pourquoi les gens nourrissaient une telle haine pour les Juifs.Arthur Langerman

Réunissant plus de 8 100 pièces originales, la collection d’Arthur Langerman est la plus importante d’Europe. Elle a été cédée au Centre pour la recherche sur l’antisémitisme de l’Université technique de Berlin, où les Archives Arthur Langerman pour la recherche sur l’antisémitisme visuel (ALAVA), sont disponibles pour la recherche et les expositions. Pour l’exposition #FakeImages, Kazerne Dossin a fait une sélection de cette vaste collection.

En savoir plus sur la sélection de Kazerne Dossin de la collection langerman

CHRONOLOGIE DE L’ANTISÉMITISME

L’antisémitisme a énormément évolué. La forme la plus ancienne est l’an­tijudaïsme religieux, suivie d’un antisémitisme d’inspiration religieuse. À partir du 19e siècle, l’antisémitisme politique s’est développé, pour culminer dans l’antisémitisme racial du 20e siècle. Aujourd’hui, il se renouvelle dans l’antisémitisme radical.

2ème siècle

Des pères de l’Église et des théologiens développent le thème du déicide, accusant les Juifs d’avoir tué le Christ.

11-12ème siècle

Le discours théologique se radicalise violemment, attribuant tous les malheurs du monde aux Juifs. Des milliers de Juifs sont massacrés tant par les armées chrétiennes (Croisades) que musulmanes.

1370

En 1370, des Juifs de Bruxelles sont accusés d’avoir transpercé de poignards des hosties dérobées dans une chapelle. Du sang aurait coulé de ces hosties. Six Juifs (et leur famille) sont torturés avant d’être brûlés vifs sur la place publique. Le Duc de Brabant expulse les Juifs et confisque tous leurs biens.

15-17ème siècle

Du 15 au 17ème siècle, les persécutions antisémites se succèdent. De nombreuses villes ou États d’Europe expulsent les Juifs ou les convertissent de force. Ces mesures s’accompagnent toujours de la confiscation des biens des victimes.

1516

Création du premier ghetto à Venise.

1543

Dans sa brochure Von den Juden und ihren Lügen  [Des Juifs et de leurs mensonges], Martin Luther préconise un plan en huit points pour se débarrasser des Juifs soit par la conversion ou par expulsion.

1834-1900

Accusations de meurtres rituels contre les Juifs en Allemagne, Russie, Italie, Syrie, Grèce, Turquie, Pologne, Roumanie, Hongrie, France, Tchécoslovaquie, Lituanie, Bulgarie…

1870

La cathédrale St-Michel et Gudule est dotée de nouveaux vitraux retraçant en détail la légende de la profanation des hosties.

1879

Apparition du mot Antisemitismus, dans le sens « d’hostilité aux Juifs », à l’occasion de la fondation d’une « ligue antisémite » en 1879.

1881-1884

Le 13 mars 1881, un groupe anarchiste assassine le tsar Alexandre II. Cet événement déclenche des pogroms (massacres des Juifs) en Russie, puis en Pologne. Les Juifs se réfugient massivement en Europe de l’Ouest et aux États-Unis.

1886

Édouard Drumont, journaliste et homme politique français, décrit la « race juive » dans son pamphlet La France juive : « La main moelleuse et fondante de l’hypocrite et du traître », le « nez recourbé », les « oreilles saillantes ». Cet ouvrage connaît  un succès considérable en France.

1891

Edmond Picard, juriste belge et militant du parti socialiste, publie Le Droit et la Race : il lie les problèmes sociaux aux prétendus problèmes raciaux. Son antisémitisme vise les Juifs ainsi que les autres peuples considérés comme « sémites ». Il soutient la politique de Léopold II au Congo.

15 octobre 1894

En France, le capitaine juif Alfred Dreyfus est arrêté, accusé à tort d’avoir livré à l’Allemagne des secrets d’armement. Il est dégradé et condamné au bagne à vie pour trahison.

13 janvier 1898

En France, L’Aurore publie J’accuse… d’Émile Zola. Des manifestations éclatent en France aux cris de « À bas les Juifs ! ». La presse catholique et quelques journaux anarchistes et socialistes se déchaînent contre les Juifs et les dreyfusards, qui défendent Dreyfus.

1903

La police secrète du tsar Nicolas II fabrique un faux intitulé Les Protocoles des Sages de Sion, dans lequel il est question d’une conjuration des Juifs pour dominer le monde. L’ouvrage sort en Russie en 1903. Traduit dans de multiples langues, il sert de référence à tous les milieux antisémites du monde, même de nos jours.

1903-1906

Pogroms en Russie, en Ukraine, en Moldavie, en Pologne et d’autres pays de l’Est.

1917-1922

Suite à la Révolution russe d’octobre 1917, 100 000 à 150 000 Juifs sont assassinés par diverses unités armées, des paysans, des soldats rentrés du front… en Biélorussie, en Russie, en Ukraine et dans une partie de l’actuelle Pologne.

1 mars 1920

L’amiral Miklós Horthy, régent de Hongrie, mène une brutale répression contre les communistes, les sociaux-démocrates et les Juifs. Les lois antisémites sont renforcées.

1931

De nouveaux vitraux sont installés dans la chapelle Sainte-Anne de l’église Saint-Nicolas à Enghien, rappelant la soi-disant profanation des hosties, thème majeur de l’antisémitisme d’inspiration religieuse depuis le Moyen-Âge.

septembre 1934

La Pologne suspend sa coopération avec la Société des Nations concernant les minorités. Des lois discriminatoires sont adoptées contre les 3,5 millions de Juifs polonais. Des émeutes antijuives éclatent dans tout le pays à partir de 1935.

15 septembre 1935

En Allemagne, sous l’autorité du chancelier Adolf Hitler, les lois raciales de Nuremberg sont proclamées : interdiction des mariages et des relations sexuelles entre Juifs et non-juifs. Entre 1933 et 1945, près de 2000 lois, décrets et ordonnances ont contribué à l’exclusion des Juifs dans le Reich nazi.

12 mars 1938

L’Allemagne annexe l’Autriche. En six mois, à force de persécutions, Adolf Eichmann, chargé de la logistique de la « solution finale », contraint plus d’un quart des 185 000 Juifs d’Autriche à quitter leur pays.

9-10 novembre 1938

Joseph Goebbels, ministre allemand de la Propagande, organise la « Nuit de Cristal » dans le Reich. Des synagogues, des commerces et des cimetières juifs sont incendiés ou saccagés par milliers. Une centaine de personnes juives sont lynchées. Quelque 25.000 Juifs sont déportés dans des camps de concentration.

5 septembre 1940

En Roumanie, le général Ion Antonescu est nommé président du Conseil des ministres. Il met en place un État dominé par la Garde de Fer et s’allie avec l’Allemagne nazie en 1941. Durant la seconde guerre, près de 350 000 Juifs de Roumanie et d’Ukraine sont assassinés par ce régime.

3, 4 et 7 octobre 1940

En France, Vichy promulgue le premier Statut des Juifs sans réelles pressions de l’occupant allemand. Ce statut exclut de la société 330 000 Juifs français et étrangers en métropole, ainsi que 370 000 Juifs des colonies d’Afrique du Nord : interdictions professionnelles, internements pour les Juifs étrangers…

28 octobre 1940

En Belgique, le gouvernement militaire d’occupation promulgue la première des 17 ordonnances contre les Juifs. Ces mesures visent à identifier les Juifs, les isoler du reste de la population et préparer leur déportation. Ces mesures sont contraires à la Constitution belge.

1941-1945

Aidée par des États collaborateurs ou par des collaborateurs locaux, l’Allemagne nazie met en œuvre l’extermination systématique d’hommes, de femmes et d’enfants juifs en les affamant dans les ghettos, en les fusillant massivement à l’est de l’Europe, en les déportant dans des centres de mise à mort. Le bilan de la Shoah s’élève à près de 6 millions de victimes, soit les deux-tiers des Juifs d’Europe.

27 juillet 1942

Ouverture du camp de rassemblement de Malines, d’où les nazis déportent plus de 25 500 Juifs et 353 Roms.

Mécanismes intemporels

Actuellement il existe encore un nombre de mécanismes qui ont un impact majeur sur nos idées et notre société. Ces mécanismes sont directement liés aux images antisémites historiques de la collection Langerman.

  • Comment les stéréotypes influencent-ils notre perception des gens?
  • Quand les préjugés commencent-ils?
  • Quand peut-on parler de discrimination ou de racisme?
  • Quel est le pouvoir des médias trompeurs?
  • Où sont les limites de l’humour?

#FakeImages analyse ces mécanismes intemporels à l’aide de quatre installations interactives, et vous invite à rechercher des liens entre le passé et le présent à partir d’exemples contemporains.

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